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Lieu : Montpellier, Hérault, France

Nos propositions s’appuient sur des recherches personnelles complétant un parcours universitaire, une pratique et une formation en arts plastiques privilégiant l’approche des arts dits contemporains, une spécialisation en histoire de l’art médiéval. Ces complémentarités associées à l’intervention auprès de publics diversifiés fondent notre action au service de l’éducation populaire.

mercredi 22 novembre 2006

Avec des pommes …


Après les vendredis 27 octobre & 3 novembre aux cours suspendus pour cause de vacances scolaires, retour sur la séance de reprise du vendredi 10 novembre.



Avec des pommes bien croquantes et réelles, nous l'avons testé, la composition ne va pas de soi (à 3, à 5, composition en triangle, détermination du point de vue et de l’angle de vision, etc). La mise en place nécessite des choix : regard, mise en scène, réflexion sur l’espace et la lumière, étude du motif et de la couleur. Ces choix d’auteur vont être liés au propos que l’on veut développer.

Quel est le propos des natures mortes ?

La nature morte (still life en anglais, = encore vivant ou toujours (still) vivant, traducteur de free = la vie immobile !). Mosaïques ou fresques romaines en trompe-l'oeil, vanités au XVIIIe siècle, lyrisme baroque, Chardin intimiste, romantisme du XIXè siècle, la tradition de la nature morte a pu prendre des formes très diverses.

On trouve sur Wikipédia, encyclopédie libre en ligne, les définitions suivantes au 22 novembre 2006 : L'expression nature morte désigne un sujet constitué d'objets inanimés (fruits, fleurs, vases, etc.) ou d'animaux morts, puis, par métonymie, une œuvre (en peinture ou en photographie, etc.) représentant une nature morte. Le terme n'apparaît qu'à la fin du XVIIe siècle. Jusque-là, seul cose naturali avait été utilisé par Vasari. En 1650, apparait aux Pays-Bas le terme stilleven, ensuite adopté par les allemands (stilleben) et par les anglais (still-life) qui se traduirait par vie silencieuse. En Espagne, l'expression pour parler des natures mortes est bodegones.

Charles Sterling, spécialiste de la nature morte, propose quant-à-lui la définition suivante de la nature morte : Une authentique nature morte nait le jour où un peintre prend la décision fondamentale de choisir comme sujet et d'organiser en une entité plastique un groupe d'objets. Qu'en fonction du temps et du milieu où il travaille, il les charge de toutes sortes d'allusions spirituelles, ne change rien à son profond dessein d'artiste : celui de nous imposer son émotion poétique devant la beauté qu'il a entrevue dans ces objets et leur assemblage » (Charles Sterling, 1952) .

La nature morte poursuit d’autres visées que celles du seul plaisir mimétique. Les objets et leur ordonnancement ont une portée symbolique et délivrent un message (Vanités liée à la morale catholique). Toutefois si les objets représentés conservent certes leur symbolique religieuse, héritée des textes bibliques, l'aspect esthétique de la peinture peut prendre une importance primordiale. La nature morte est alors l'occasion de prouver son habileté d'artiste et de répondre à la demande d'un public bourgeois qui aime à voir représenter les objets de la vie courante ou de luxe en peinture.

Les textes de Diderot consacrés à Chardin montrent que le plaisir mimétique pur, inavoué au XVIIe siècle dans les vanités, s'affirme pleinement au XVIIIe siècle et que la représentation d'objets dans la peinture occidentale reste constamment partagée entre le plaisir de la mimesis et celui de la symbolique. Cette ambivalence explique la place de la nature morte en fin du classement hiérarchique des genres et ce, dès l’antiquité, tout en considérant Zeuxis comme un peintre de génie pour être parvenu à peindre des grains de raisin qui trompent jusqu'aux oiseaux. (d'après Wikipédia pour ces deux derniers paragraphes. Pour consulter l'article complet et en savoir plus)



Jean-Baptiste Siméon Chardin (1699-1779). Trois pommes d’Api, deux châtaignes, une écuelle et un gobelet d’argent. Aussi appelée le gobelet d’argent. vers 1768. Huile sur toile. 33 x 41 cm. Musée du Louvre. Paris.

Dans sa nature morte aux pommes, Chardin affiche avec ostentation sa virtuosité à représenter la nature et les objets. Ne l’a-t-on pas appelé l’incomparable peintre des choses simples ?

Il déclarait d'aileurs lui-même : "Par l'intermédiaire de la couleur, on peut donner de l'intérêt aux choses les plus banales, on peut faire un chef-d'oeuvre avec un vase et des fruits."

Comme l’observe Françoise Barbe-Gall (op. cit. Comment regarder un tableau. Éditions EPA, Hachette Livre) : "sa peinture ne cherche pas plus à enseigner qu’à éblouir.

[La tradition de la peinture avait habitué le spectateur du XVIIIè siècle à repérer la leçon de morale sous le plus innocent des objets, à saisir l’allusion au vol, à admettre la mise en garde vertueuse derrière l’image des bienfaits de ce monde. Ainsi une pomme faisait-elle systématiquement référence au péché originel. Le rappel des fins dernières et du châtiment divin se comprenait alors de façon implicite.]

La nature morte ne constitue plus chez Chardin le rappel symbolique de la finitude et de l’éternité. Le caractère transitoire de ce monde, sa décrépitude annoncée, rien de tout cela ne sera plus agité comme un chiffon rouge devant les yeux du spectateur. C’est la nature des choses. Le temps les use paisiblement, y dépose une patine, permet quelque fêlure. C’est tout. Déliée de la transcendance comme de l’inquiétude, l’image célèbre sans tapage la vie qui continue. Chardin autorise ici la nature à parler pour elle-même. …/… Ancrés dans le quotidien, les motifs de Chardin en confirment la réalité. Sans menace métaphysique. Sans arrière-pensée."

Sur la question du plaisir esthétique, il est utile de se reporter à la lecture des notions accessibles sur Wikipédia comme art, beau, oeuvre, oeuvre d'art, esthétique, perception.

Nous avons fait référence à la Mimesis, imitation de la nature.

Voir la taille quasi-uniforme des reproductions des oeuvres projetées qui nous induit en erreur
sur leur matérialité (support, format, surface, lumière, couleurs).

Voir également Magritte lorsqu'il nous rappelle, après des siècles de figuration illusionniste, que l’image n’est pas la réalité. La représentation n’est pas l’objet représenté. La pipe représentée ne peut pas servir à y fumer du tabac.

La trahison des images, 1929,
huile sur toile, 59 x 65 cm, Los Angelès County Museum

Voir encore, Platon, le mythe de la caverne (le lien précédent conduit à un résumé, relire ce texte allégorique sur le site des virtualistes, et voir les commentaires. Lire une actualisation du thème avec Matrix, on se souvient du film dans lequel plusieurs réalités apparentes ou non se superposent).

Les apparences ne sont pas la réalité : Les images du réel ne sont qu’apparences. (renvoient aux thématiques de représentation et vérité, art et subversion de la vérité). Platon emploie la métaphore des ombres pour mettre en garde contre l’illusion de la perception, contre des images qu’un esprit insuffisamment informé peut prendre pour la réalité. Nous sommes les victimes de nos sens, de nos propres perceptions.

Les questions liées à nos perceptions conduisent aux grandes interrogations métaphysiques contemporaines sur l'espace, le temps, et surtout le réel : Qu'est ce que le réel, le réel est-il ce que nous en percevons ou y aurait-il une réalité au-delà des limites de la perception humaine ?

Voir également le thème du miroir du réel avec Narcisse, l'une des nombreuses légendes à l'origine de l'histoire de la peinture.

Sur art et illusion, voir également l'histoire de Zeuxis, peintre grec (v. 464-v. 398 av J-C), célèbre pour ses effets de profondeur à l’origine des compositions illusionnistes ou en trompe-l’œil. Zeuxis s'attache plus à rendre les formes et les volumes qu’à exprimer ses sentiments. L'anecdote est racontée par Pline l'Ancien (Histoires naturelles, Livre XXXV, IV) : Zeuxis et Parrhasios se lancent un défi pour déterminer lequel des deux peintres est le plus fidèle à la nature. Zeuxis peint des grappes de raisin avec tant de vérité que les oiseaux viennent y picorer. Parrhasios, lui, a dissimulé son œuvre derrière un rideau. Zeuxis lui demande de l’écarter pour juger. Mais le rideau était peint et Parrhasios est déclaré vainqueur.

Nous verrons lors de la prochaine séance que les recherches de Cézanne s'inscrivent dans un tout autre registre lorsqu'il peint des pommes.