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Lieu : Montpellier, Hérault, France

Nos propositions s’appuient sur des recherches personnelles complétant un parcours universitaire, une pratique et une formation en arts plastiques privilégiant l’approche des arts dits contemporains, une spécialisation en histoire de l’art médiéval. Ces complémentarités associées à l’intervention auprès de publics diversifiés fondent notre action au service de l’éducation populaire.

mercredi 1 novembre 2006

En avoir ou pas

Chronique d'une chronique

Dans la chronique son du mensuel Diapason numéro 538 publié cet été, Jean-Marie Piel, s'étonne du curieux complexe qui s'attache à l'ouïe et épargne la vue, en observant qu'affirmer "je n'ai pas d'oreille" ne surprend personne, alors que dire "je n'ai pas d'oeil" passerait vraiment pour une incongruité.

L'article évoque les complexes s'attachant à l'ouïe et la piètre opinion que tant de mélomanes ont de leur audition. Il surprend par les analogies qu'on peut y déceler avec la question de la vision, à tel point que la transposition de l'univers du mélomane à celui de l'amateur d'arts visuels parait s'imposer comme une évidence. Par imitation de cet article, l'adaptation pourrait donner le résultat suivant :

Sauf à être physiologiquement aveugle, tout le monde a de l'oeil (!), et souvent beaucoup plus qu'il ne le pense. Les preuves ne manquent pas. Nous savons si bien, dans notre univers familier, détecter la mauvaise mine de nos proches à partir d'infimes détails. L'observation d'une oeuvre ne joue guère sur des paramètres très différents ni tellement plus subtils. Mais face à l'oeuvre, dite ou estimée savante, une majorité de regardeurs, souvent faute de formation ou d'entrainement, est persuadée que sa perception pêche.

Un premier constat s'impose : il existe non pas une seule façon de voir, mais une multitude. On peut même dire qu'il en existe autant que d'individus. Les psychologues de la théorie de la forme ont démontré dès le XIXè siècle qu'il n'y avait pas de perception pure ; autrement dit que toute perception était structurée par le psychisme, par la mémoire. La vue ne peut se réduire à une caméra plus ou moins sensible, dotée de larges capteurs. Elle est sans doute un peu de celà mais reliée à un logicile ultra-sophistiqué -le psychisme humain- qui trie, ordonne, et interprète des signaux visuels. Avoir un regard, ce n'est pas seulement une affaire d'oeil ou de capteur, c'est surtout une question de mémoire et de faculté d'analyse (le logiciel auquel sont raccordés les capteurs !).

Il est intéressant de constater que la vision est à la fois une faculté innée et une faculté acquise. Innée parce qu'elle est une faculté basée sur un sens, acquise parce que cette faculté suppose le décodage de nombreuses informations à partir d'un système de référence qui se contruit tout au long de la vie.

Perception des couleurs et des formes peuvent être propres à chaque individu en fonction de caractéristiques physiologiques. La sensibilité n'est pas la même chez chaque individu, et certains seront plus sensibles aux contrastes, d'autres aux harmonies des formes et des couleurs. Toutefois, le travail et l'entrainement permettent de mieux conjuguer les différentes sensibilités, d'entrer dans une compréhension qui permet d'interpréter et de donner sens à la chose perçue. Ces sensibilités peuvent aussi réagir à d'autres registres, au rythme notamment et à la répétition. Il faudrait ajouter d'autres facettes qui composent encore à des degrés divers le champ de la vision : la perception des demi-teintes, l'appréciation des distances ou des volumes par exemple. En fonction de ses aptitudes physiologiques ou psychiques, en fonction de ses structures mentales, en fonction de son entrainement aussi, chacun privilégie plus ou moins une ou plusieurs de ces facettes de la vision. Personne ou presque n'excelle en toutes.

Source : D'après J.-M.P. Diapason n° 538, S, juillet-août 2006. (page 134). Avec toutes les excuses et la gratitude de l'emprunteur pour cette hasardeuse transposition.

A ce stade, c'est à notre méthode que cette chronique renvoie : Regarder, et se donner une chance de découvrir. Ainsi chacun doit-il d'abord et avant tout faire confiance à son propre regard. Faire confiance aussi à ses perceptions personnelles devant l'oeuvre, le registre des sensations dans lequel peut parfois nous plonger une oeuvre appartenant à chacun. Enfin, toute tentative d'interprétation suppose-t-elle un système de références : étude des contenus, recherche de sens. C'est à ce stade qu'est mobilisée la mémoire (cf. le logiciel évoqué plus haut). En guise de conclusion, soulignons que regarder n’est pas seulement une affaire de vision. C’est surtout une affaire de mémoire, de système de référence, et d’entrainement. Aussi, afin de mieux apprécier ce qui nous est donné à voir, l’idéal serait de ne jamais cesser l’entrainement.