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Lieu : Montpellier, Hérault, France

Nos propositions s’appuient sur des recherches personnelles complétant un parcours universitaire, une pratique et une formation en arts plastiques privilégiant l’approche des arts dits contemporains, une spécialisation en histoire de l’art médiéval. Ces complémentarités associées à l’intervention auprès de publics diversifiés fondent notre action au service de l’éducation populaire.

jeudi 14 décembre 2006

Presque tout sur la gravure

Afin d'éclairer les interrogations suscitées par la visite de l'expo Graveurs du Sud et la technique ainsi que les procédés physico-chimiques liés à la gravure jusqu'à la réalisation de l'estampe, chacun pourra trouver ici différentes définitions permettant de fixer quelques repères.

Principales sources documentaires : Wikipedia, encyclopedia universalis, dictionnaire d'esthétique, et articles de revues spécialisées.

La gravure : Au sens absolu du mot, la gravure est l'art de tracer par incision, à la surface d'une matière quelconque, des caractères, des ornements ou des figures. L'homme des cavernes nous a ainsi transmis
la silhouette des animaux sur l'os et la pierre. C'est par la gravure que l'Antiquité et le Moyen-Age ont produit les cylindres, les intailles, les sceaux, les plaques tombales, les émaux champlevés, les matrices à gaufrer le cuir ou le velours, et aussi les planches destinées à l'impression des étoffes décorées. C'est également la gravure qui permet l'impression des timbres-poste.

Ainsi la gravure a-t-elle une double fin : elle peut être ou bien un procédé de décoration, ou bien un moyen de tirer par impression plusieurs copies de la chose gravée, et singulièrement des copies sur papier.

Le terme de gravure s'applique à la fois à l'art de graver et aux productions de cet art : on dit d'un artiste qu'il pratique la gravure et d'un amateur qu'il recherche telle ou telle gravure, ou encore telle épreuve d'une gravure déterminée.

Les techniques fondamentales sont au nombre de trois : la gravure sur bois et la gravure sur métal, connues de longue date pour divers usages, avant d'être employées à la reproduction des images et la lithographie, inventée à l'extrême fin du XVIII e siècle.

La gravure sur métal : La gravure sur métal est essentiellement une gravure en creux, on la nomme en général taille douce (Fine gravure faite au trait avec le burin du graveur). Elle regroupe plusieurs techniques et deux procédés sont employés : le burin et l'eau-forte. La confection de gravures exige une grande habilité manuelle.

Le burin : Le graveur se sert d'une planche de métal, généralement du cuivre, de faible épaisseur, parfaitement polie, et d'un instrument, le burin, solide tige d'acier de section carrée ou losangée, biseautée, emmanchée à une petite poire de buis. Il attaque la planche en formant un angle variable, et tout en creusant, soulève un copeau : les sillons seront bordés de petites barbes de métal qui seront supprimées avec un ébarboir. C'est le dessin lui même qui sera gravé: chaque sillon équivalent à chaque trait du dessin.

L'eau-forte : Dans les techniques classiques de l'eau-forte, ce n'est plus la main qui gravera par l'intermédiaire d'un outil, mais l'acide. La plaque est recouverte d'un vernis, le graveur dessine sur ce vernis avec une pointe, faisant apparaître le métal où la pointe court sur le vernis. Ainsi dénudée de son vernis, la planche est plongée dans un bain d'acide dilué. Cet acide mort les parties non protégées du vernis, et creuse ainsi la plaque de métal, comme le faisait le burin. La morsure, c'est-à-dire le creux, jugée suffisante, la plaque est rincée, dévernie et prêtre au tirage.

L'aquatinte : C'est le même processus que l'eau-forte, avant de plonger la planche dans l'acide, on recouvre certaines surface de poussière ou de grains de résine. La planche est chauffée, et la résine adhère solidement au métal. C'est en quelque sorte un vernis, mais un vernis troué d'une multitude d'espaces. L'acide mord aux endroits où il n'y a pas de points de résine, et creuse tout un ensemble de petits trous. Par morsures successives le graveur peut donner optiquement une teinte régulière.

La pointe-sèche : La pointe-sèche est la manière la plus simple de graver sur le métal, mais pas nécessairement la plus facile. Il suffit d'une plaque polie et d'une pointe. Le graveur dessine sur cette plaque en rayant la surface. Avec plus ou moins de vigueur, le métal sera plus ou moins arraché, donc aussi creusé, mais chaque trait sera entouré de barbes en plusieurs épaisseurs. Cette dernière caractéristique donnant aux pointes-sèches un aspect très particulier d'enveloppement de la ligne. La différence essentielle avec, par exemple, le burin, est que ce qu'il y a en surface est au moins aussi important que le creux. L'encre, au tirage, accrochant les barbes, le résultat sera noir velouté et profond, très caractéristique.
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La lithographie est quelque peu différente. Découverte à la fin du XVIIIe siècle, elle nécessite, comme pour la gravure, de la patience et un savoir-faire de dessinateur. L'artiste dessine sur une pierre calcaire préalablement grainée afin d'obtenir une surface lisse (grain fin et homogène polie). Le motif, texte ou image est reproduit sur la pierre avec un crayon gras ou une plume imprégnée d'encre grasse. Le dessin terminé, les graisses sont fixées sur la pierre à l'aide d'un mélange de gomme arabique et d'acide nitrique. Une fois lavée à l’eau, la pierre est encrée au moyen d’un rouleau : seules les parties grasses retiennent l’encre (encre grasse dite " noir à monter "). La feuille de papier est alors posée sur la pierre encrée et fortement pressée.

La presse spécialisée est dite presse à râteau. On reconnaît cette technique au léger grain, grain de pierre, qui est perceptible dans la surface-couleur ou dans le trait (sur le papier). Si l'impression donnée est celle d'un dessin (au crayon ou à la plume) avec la même liberté ou absence de contrainte, il est vraisemblable que nous ayons affaire à une lithographie.

Bien qu'elle fut sous-estimée et utilisée, à la fin du XVIIIe siècle, comme un jeu de salon ou un moyen de reproduction industriel, fonction qu'elle conservera d'ailleurs pendant tout le XIX e siècle, de nombreux artistes s'adonneront à la lithographie.

C'est ainsi que Toulouse-Lautrec va parvenir à dépasser le caractère spécieux de l'art de son temps et, tout en pratiquant le dessin d'illustration, d'affiche, de menus et de programmes, faire de la lithographie en couleurs un art propre à exprimer très synthétiquement et dramatiquement la vie quotidienne. A cette époque, au-delà des illustrations faciles, elle permit à nombre d'artistes de la génération postimpressionniste de trouver un style à la fois intime et riche.
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Histo : La lithographie, procédé plus moderne que la gravure, a été inventée à la fin du XVIIIè siècle par A. Senefelder. Auteur dramatique sans succès, il cherche à imprimer sa musique de façon plus typique et plus économique que le travail sur cuivre. Il utilise la pierre de Münich qui lui permet d'expérimenter une technique à plat qui ne tient ni au creux ni aux relief, Il découvre à la suite d'un hasard le procédé de la lithographie. "Litho" vient du grec et signifie pierre.

La lithographie est un procédé d'impression sur pierre ou sur plaque de zinc grainée au préalable et plus malléable. Ce principe repose sur une préparation chimique du support sur lequel l'artiste a dessiné à l'aide d'une encre ou d'un crayon lithographique. La préparation chimique permet à l'encre de ne rester déposée que sur la partie dessinée de la pierre et du zinc, l'autre partie la refusant. Le principe est donc fondé sur l'incompatibilité d'un corps gras et d'un corps acide.

Les artistes se sont rapidement emparés de cette technique qui au début est partie du noir au chatoiements multiples (Daumier...) pour s'ouvrir rapidement sur les couleurs (Toulouse Lautrec, les Impressionnistes, Chagall, Picasso). Une lithographie en couleurs nécessite autant de pierres (ou de zinc) qu'il y a de couleurs dans la composition: 13 couleurs signifient donc 13 passages sous presse d'une même lithographie, chaque couleur prend sa place sur l'estampe suivant des points de repère très précis (les superpositions de tons permettent d'élargir la palette et ses nuances). Les tons spécialement conçus (transparences, opacités ...) supposent une grande connaissance de ces lois et un sens de la décomposition technique de la part de l'artiste se référant à une démarche graphique propre.
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L’estampe désigne l'image imprimée après avoir été gravée sur métal, bois, pierre lithographique, linoléum, épreuve de gravure sur cuivre et, par extension, sur bois et sur pierre lithographique. Une estampe est une image imprimée sur papier au moyen d'une planche préalablement gravée. Le matériau employé peut être le cuivre, le bois ou la pierre, cette dernière exclusivement pour la lithographie.

On tire des épreuves de ces planches, après encrage, généralement sur une presse à bras. "L'estampe originale est une œuvre d'art à part entière, pouvant exister en plusieurs exemplaires, elle est un moyen d'expression plastique volontairement choisie par l'artiste, au même titre que la peinture, le dessin, la photographie ou la sculpture. L'auteur crée une matrice, sur le support de son choix, avec la ou les techniques appropriées à son mode d'expression, L'estampe originale est généralement signée et numérotée, à la différence de l'estampe ancienne ou de bibliophilie qui sont elles aussi des estampes originales. Les estampes qui n'ont pas été réalisées par l'auteur de la signature ou sous sa supervision constante, doivent être signalées clairement comme estampe d'interprétation." Lignes extraites de la définition de la chambre syndicale de l'estampe (Canada).
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Toutes les images que l'on peut voir ici ou là, posters, reproductions, etc... sont elles des estampes ? Évidemment non. Seules on droit au nom d'estampes les images répondant à la définition précédente. Les images tirées par exemple en offset, ou les image industrielles et surmultipliées n'entrent pas dans cette catégorie. Estampe originale ou d'interprétation. Quelle est la différence ? Une estampe originale est l'œuvre d'un seul et même artiste qui transpose et grave sur la planche sa propre création. Mais si tous les peintres ne sont pas forcément des graveurs, leurs œuvres peuvent néanmoins être diffusées par le biais de l'estampe grâce à d'autres artistes qui les interprètent ou les transposent sur le bois, le cuivre ou la pierre. Ces derniers font alors œuvre d'interprétation. Quels sont les outils utilisés ? Le burin, la pointe, la roulette, le crayon lithographique, etc.. pour ne citer que les principaux.

Peut-on tirer un grand nombre d'exemplaires ? Généralement non. La pression exercée par la presse lors du tirage finit par émousser les tailles (en creux ou en relief) de la planche gravée. Au bout d'un certain nombre de tirages les épreuves perdent considérablement en qualité, elles deviennent fades et ternes. Cela dit, au XIXe siècle, des techniques d'aciérage et d'électrolyse ont été mises au point pour permettre de rendre la planche plus résistante et donc permettre un tirage plus important. Mais combien d'exemplaires exactement ? On peut situer un tirage courant entre 50 et 350 exemplaires.

Toutes les estampes doivent-elles être signées et numérotées par l'artiste ? Ceci est une notion moderne. Les estampes commencent à être signées et numérotées au crayon (ou à la plume), par les artistes, depuis le troisième quart du 19e siècle et/ou début du 20e. Cette pratique s'est peu à peu généralisée. Elle est désormais de règle. Les estampes anciennes antérieures à cette époque ne sont en aucun cas ni signées, ni numérotées. Toutefois s'agissant d'épreuves particulières (d'artiste, d'essai ou d'atelier) des mentions manuscrites telles que dédicaces, mentions de tirage, etc.. restent possibles.

Les estampes doivent-elles avoir des marges ? Oui, en général. La marge permet la respiration d'une épreuve, elle met en valeur l'image proprement dite. Toutefois, au fil du temps, les marges de certaines épreuves ont pu être diminuées, coupées, etc... Aujourd'hui, s'agissant d'estampes anciennes des 16e, 17e siècles et certaines du 18e, le collectionneur est moins exigeant et peut se satisfaire d'épreuves dont la marge serait réduite à un filet. Sauf épreuves exceptionnelles il est rare de rencontrer des épreuves de Durer, Rembrandt, Callot, etc. avec de grandes marges, la plupart du temps n'en subsiste qu'un filet d'un demi à deux et demi centimètres. En revanche pour les pièces du 19e siècle, et à fortiori pour celles du 20e siècle, il est souhaitable que les marges soient telles qu'elles étaient à l'impression. Un estampe coupée à l'intérieur de la composition ou à sa limite n'a plus, dans la majorité des cas, qu'une valeur documentaire.

Les estampes doivent-elles être en bon état de conservation ? Oui. C'est souhaitable. La conservation, la fraîcheur d'une épreuve jouent considérablement sur son prix. Une pièce froissée, déchirée, tachée n'a plus guère d'intérêt, sauf si l'on peut envisager une restauration qui, dans bien des cas, pourra s'avérer coûteuse.

Les estampes sont-elles chères ? Le prix d'une estampe, comme pour une œuvre d'art en général, va dépendre de la notoriété de l'artiste, du sujet, du format, de l'état de conservation mais également, et ceci est propre aux estampes, de l'état de tirage. Comme toujours, la loi de l'offre et de la demande régule le marché. Ainsi des gravures d'artistes dont la notoriété n'a pas dépassé le cadre régional peuvent s'acquérir pour à peine quelques centaines de francs. De petites estampes, souvent extraites de livres de voyage, de dictionnaires de botanique, etc... peuvent se trouver entre 2 et 500 frs. En revanche, les prix seront beaucoup plus conséquents pour les artistes qui, à leur manière, ont marqué l'histoire de l'estampe ou ont fait partie d'écoles, de mouvements importants. De 10 000 à 50 000 frs pour une estampe originale de Durer ou de Rembrandt, plus encore s'il s'agit d'une pièce de référence. De 50 à 100 000 frs pour un Picasso - pour ne prendre que deux extrêmes dans le temps ! Des annuaires de cotes disponibles dans toutes les grandes bibliothèques Les épreuves d'état sont, en quelque sorte, les mémoires des différents stades de l'élaboration d'un travail de gravure. Lors de l'exécution d'une planche, de modification en modification, au cours des morsures successives, à tous moments, l'artiste peut tirer une ou plusieurs épreuves de sa planche pour en apprécier le rendu. Ce sont ces épreuves intermédiaires, avant le tirage définitif, qu'on appelle épreuves d'état. Il va sans dire que, n'étant tirées qu'à petit nombre, ces épreuves sont beaucoup plus rares que celles du tirage final. Elles sont aussi les premiers jets de la création et ont, à ce titre, la faveur des collectionneurs qui s'attachent à les rechercher. Ces épreuves d'état sont synonymes de ce qu'on appelle plus communément épreuves d'essai ou d'atelier. Les catalogues des ventes publiques et des marchands d'estampes sont des outils indispensables pour cerner la cote d'un artiste.
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Le papier peut être classé en deux catégories :

  • Les papiers vergé anciens fabriqués à la forme à partir de fibres végétales (lin, chanvre...), de fibres textiles (chiffons...). Leur principale caractéristique est une trame irrégulière de lignes croisées (appelées vergeures et pontuseaux). Cette trame, due aux fils de laiton tendus sur la forme où sèche la pâte à papier, se lit aisément en transparence. Pour globaliser et faciliter le classement on dira que ce type de papier a été utilisé des origines de la gravure (milieu du XVe siècle) jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, quand apparaissent les premiers papiers modernes.
  • Les papiers modernes, ou mécaniques, fabriqués à partir de le pâte à bois. Parmi eux on citera le vélin dont la caractéristique principale est qu'il est régulier et relativement lisse et le vergé moderne dont la trame (lignes croisées visibles en transparence) s'apparente à celle des vergés anciens, à ceci près qu'elle est régulière et très nette.
Le filigrane est la marque de fabrique des moulins à papier, et plus tard des grands papetiers de l'ère moderne. Il se lit en transparence, et il est souvent un moyen précieux de datation et d'identification.
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La couleur : l'expression "graver en couleurs" est impropre. On ne grave pas en couleurs, mais on imprime en couleurs. Pour reprendre les choses dans l'ordre où elles apparaissent on doit préalablement aborder le coloris manuel ou coloriage, aussi appelé "enluminure". Aux 15, 16, 17 et 18ème siècles, les épreuves pouvaient être coloriées manuellement chez l'éditeur marchand. On employait de l'aquarelle ou de la gouache et chaque épreuve (une à une) était ainsi rehaussée. L'impression en couleurs apparaitra plus tardivement. Exception faite des bois en camaïeux (en principe de vert ou de brun) déjà connus au début du XVIe siècle, l'impression couleurs n'apparaît que vers le 3e tiers du XVIIIe siècle.

C'est grâce à la mise au point du repérage successif des planches (une planche par couleur) qu'on obtiendra définitivement la couleur. On imagine les difficultés d'une telle technique nécessitant qu'une même épreuve passe et repasse sous la presse autant de fois que nécessaire jusqu'à l'obtention, par le jeu des superpositions, de la couleur souhaitée. De telles estampes sont encore aujourd'hui très recherchées.
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En savoir plus sur l'histoire et les techniques de la gravure : le musée des Beaux-Arts Jenisch de Vevey en Suisse a réalisé une exposition en 2004.

L'association Estampes a, en cette occasion, créé un site spécialisé :

Présentation didactique des techniques de l’estampe et de la gravure illustrée par des oeuvres de grands artistes du XVe au XXIe siècle.

A consulter également, les trois expositions présentées à Paris sur le travail de dessinateur et de graveur de Rembrandt :

- Rembrandt, dessinateur. Expo au Louvre.
- Rembrandt, graveur. Expo à la BNF.
- Rembrandt, Eaux-fortes au Petit Palais.