Arts et culture pour tous

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Lieu : Montpellier, Hérault, France

Nos propositions s’appuient sur des recherches personnelles complétant un parcours universitaire, une pratique et une formation en arts plastiques privilégiant l’approche des arts dits contemporains, une spécialisation en histoire de l’art médiéval. Ces complémentarités associées à l’intervention auprès de publics diversifiés fondent notre action au service de l’éducation populaire.

jeudi 30 novembre 2006

Retour sur la séance du 24 novembre


Nous avons vu une vingtaine d'oeuvres de Marcel Duchamp (1887-1968), des oeuvres de jeunesse, et peu connues, esquisses et dessins, au crayon, à l'encre, des lavis, des peintures, depuis 1902 (il a alors 15 ans) jusqu'à 1911. Il a alors rejoint ses deux frères à Paris. Sa peinture est cubo-futuriste : joueurs d'échecs, et le jeune homme triste dans un train qui annonce le nu descendant l'escalier. 1913 sera l'année de son premier ready-made (déjà-fait), 1915, l'année où il s'installera aux Etats Unis.
Employé du gaz, 1904-05
crayon et lavis sur papier, 17,3 x 10,7 cm, Milan. coll. Arturo Schwarz
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Né dans une famile aisée à Blainville en Normandie (le père était notaire et devint maire de Blainville), Marcel Duchamp a dès son plus jeune âge cotoyé les oeuvres. Sur les murs de la maison familiale, il découvre les oeuvres du très estimé grand père maternel, courtier maritime passionné de peinture et de gravure. Sa mère dessinait, et les deux parents ont toujours encouragé la pratique culturelle de leurs 7 enfants. Tous jouent d'un instrument de musique, et il n'est pas rare de voir la famille jouer ensemble. Et puis, chacun joue aussi aux échecs, lit ou peint.

Marcel est le quatrième de la fratrie, né après le décès d'une soeur qui vécu 3 ans. Il est suivi de Suzanne qui fut une compagne de jeux, puis cinq ans plus tard, d'Yvonne et Magdeleine, pour lesquelles la maman afficha sa préférence. Marcel eût-il à souffrir d'indifférence et de froideur de sa mère à son égard ?

Plus de dix ans séparent Marcel Duchamp de ses deux frères ainés, Gaston et Raymond qui abandonnent leurs études de droit et de médecine pour se consacrer aux arts : Gaston s'installe à Paris pour peindre sous le peudonyme de Jacques Villon. Raymond deviendra sculpteur sous le nom de Duchamp-Villon.

Marcel est à l'époque encore scolarisé. Une fois ses études secondaires achevées, il rejoint ses frères à Paris et s'installe à Montmartre dans l'atelier de son frère Jacques Villon. Nous sommes en 1904, il n'a alors que 17 ans. Comme ses frères qui avaient bénéficié d'une avance sur héritage, Marcel sera encouragé et soutenu par son père. A Paris, il fréquente les milieux artistiques et comme son frère Jacques, il collabore occasionnellement à différents journaux auquel il vend des dessins satiriques, parfois grivois.

Femme-cocher, croquis de 1907 montrant la voiture d'une femme-cocher, -nouveau pour l'époque- qui a disparu à l'intérieur d'un l'hôtel avec son client, laissant tourner le compteur et facturant ainsi ses deux services à la fois.

De ses premiers sujets (esquisses et huiles), nous retiendrons son intérêt pour la représentation du mouvement, l'humour, et ses esquisses représentant des métiers et activités humaines.
Flirt. 1907. Encre de chine, lavis et crayon bleu sur papier.
31,5 x 45 cm,
Milan. coll. Arturo Schwarz
Légende. Elle : "Voulez-vous que je vous joue sur les flots bleus ? Vous verrez comme le piano rend bien l'impression qui se dégage du titre. Lui, spirituel, : ça n'a rien d'étonnant, c'est un piano ... aqueux."

Une affectation spéciale lors du service national en 1905 lui permet de travailler chez un imprimeur à Rouen où il va découvrir la typographie en imprimant les textes du recueil de gravures de son grand-père représentant les vues de la ville. Son statut d'ouvrier d'art lui permet d'échapper à la seconde année de service militaire. De son passage dans cet univers, lui vient sans doute l'intérêt pour la technique.

De retour à Paris en 1906, Marcel Duchamp vit deux ans chez son frère Jacques Villon puis s'installe à Neuilly jusqu'en 1913. En ces débuts du XXè siècle, Paris est le riche foyer d'une intense création dont l'effervescence* va influencer toute l'évolution de la peinture. Matisse et les fauves utilisent les couleurs pures s'affranchissant de la tyrannie de la fidélité de la représentation de la nature. Les cubistes privilégient la structure. Duchamp va cotoyer et s'essayer aux différents styles de son temps, cherchant sa propre voie artistique : "Entre 1906 et 1910 ou 1911, j'ai un peu flotté entre différentes idées : fauves, cubistes, revenant parfois à des choses un peu plus classiques. Un évènement important pour moi, ça a été la découverte de Matisse, en 1906, ou 1907."

Jeune homme et jeune fille dans le printemps, 1911, huile sur toile, 65,7 x 50,2 cm, Milan coll. A. Schwarz

Il a alors une vingtaine d'années, il peint, dessine, s'amuse, aime les femmes, et se forge une réputation de célibataire endurci. Au cours de cette jeunesse insouciante, il participe au prestigieux salon d'automne dont son frère Jacques Villon est membre et grace à qui il y expose dès 1908. Un an après, il présente deux tableaux au salon des indépendants, manifestation sans jury ni prix. Malgré la multitudes d'artistes et d'oeuvres en tous genres représentées (6000 tableaux en 1910), Marcel Duchamp y est remarqué sous la plume du poète et critique Guillaume Apollinaire qui évoque "les nus très vilains de Duchamp."

(à suivre)

Nous avons terminé cette première séance en étudiant plus longuement le jeune homme triste dans un train (réalisé en décembre 1911. huile sur toile marouflée sur carton. 100 x 73 cm. Venise. Collection Peggy Guggenheim). Il s'agit d'un autoportrait de Duchamp fumant une pipe debout dans le couloir d'un wagon sur le trajet entre Paris et Rouen où ses parents et sa soeur avaient emménagé en 1905 : "Il y a d'abord l'idée du mouvement du train puis celle du jeune homme triste qui est dans un couloir et se déplace ; il y avait donc deux mouvements parallèles correspondant l'un à l'autre. Ensuite, il y a la déformation du bonhomme que j'avais appelée le parallélisme élémentaire. C'était une décomposition formelle, c'est à dire en lamelles qui se suivent comme des parallèles et déforment l'objet. L'objet est complètement étendu comme élastisé. Les lignes se suivent parallèlement en changeant doucement pour former le mouvement ou la forme en question. J'ai également employé ce procédé dans le nu descendant l'escalier."

* références de l'ouvrage cité sur le Paris artistique des 30 premières années du XXè siècle :

- Bohèmes, Dan Franck, Calmann-Lévy éditeur, Paris 1998, édition originale avec photos. De Montmartre à Montparnasse, entre le Bateau-Lavoir et la Closerie des Lilas, vont se croiser sculpteurs, peintres, poètes, écrivains comme Jarry, Picasso, Apollinaire, Modigliani, Max Jacob, Aragon, Soutine, Man Ray, Braque, Matisse, Breton et d'autres encore, en des temps de bohème.