Arts et culture pour tous

Parce que l'art nourrit la compréhension du monde. Sur le Net, veille informative et actualité des expositions, interactivité et convivialité autour des oeuvres. Ou en direct, histoire des arts en cours du soir et sorties culturelles. Pour participer à des visites d'expositions, de galeries et de musées, découvrir des ateliers d'artistes, rencontrer d'autres amateurs d'art et échanger dans un espace propice au dialogue.

Nom :
Lieu : Montpellier, Hérault, France

Nos propositions s’appuient sur des recherches personnelles complétant un parcours universitaire, une pratique et une formation en arts plastiques privilégiant l’approche des arts dits contemporains, une spécialisation en histoire de l’art médiéval. Ces complémentarités associées à l’intervention auprès de publics diversifiés fondent notre action au service de l’éducation populaire.

jeudi 30 novembre 2006

Retour sur la séance du 24 novembre


Nous avons vu une vingtaine d'oeuvres de Marcel Duchamp (1887-1968), des oeuvres de jeunesse, et peu connues, esquisses et dessins, au crayon, à l'encre, des lavis, des peintures, depuis 1902 (il a alors 15 ans) jusqu'à 1911. Il a alors rejoint ses deux frères à Paris. Sa peinture est cubo-futuriste : joueurs d'échecs, et le jeune homme triste dans un train qui annonce le nu descendant l'escalier. 1913 sera l'année de son premier ready-made (déjà-fait), 1915, l'année où il s'installera aux Etats Unis.
Employé du gaz, 1904-05
crayon et lavis sur papier, 17,3 x 10,7 cm, Milan. coll. Arturo Schwarz
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Né dans une famile aisée à Blainville en Normandie (le père était notaire et devint maire de Blainville), Marcel Duchamp a dès son plus jeune âge cotoyé les oeuvres. Sur les murs de la maison familiale, il découvre les oeuvres du très estimé grand père maternel, courtier maritime passionné de peinture et de gravure. Sa mère dessinait, et les deux parents ont toujours encouragé la pratique culturelle de leurs 7 enfants. Tous jouent d'un instrument de musique, et il n'est pas rare de voir la famille jouer ensemble. Et puis, chacun joue aussi aux échecs, lit ou peint.

Marcel est le quatrième de la fratrie, né après le décès d'une soeur qui vécu 3 ans. Il est suivi de Suzanne qui fut une compagne de jeux, puis cinq ans plus tard, d'Yvonne et Magdeleine, pour lesquelles la maman afficha sa préférence. Marcel eût-il à souffrir d'indifférence et de froideur de sa mère à son égard ?

Plus de dix ans séparent Marcel Duchamp de ses deux frères ainés, Gaston et Raymond qui abandonnent leurs études de droit et de médecine pour se consacrer aux arts : Gaston s'installe à Paris pour peindre sous le peudonyme de Jacques Villon. Raymond deviendra sculpteur sous le nom de Duchamp-Villon.

Marcel est à l'époque encore scolarisé. Une fois ses études secondaires achevées, il rejoint ses frères à Paris et s'installe à Montmartre dans l'atelier de son frère Jacques Villon. Nous sommes en 1904, il n'a alors que 17 ans. Comme ses frères qui avaient bénéficié d'une avance sur héritage, Marcel sera encouragé et soutenu par son père. A Paris, il fréquente les milieux artistiques et comme son frère Jacques, il collabore occasionnellement à différents journaux auquel il vend des dessins satiriques, parfois grivois.

Femme-cocher, croquis de 1907 montrant la voiture d'une femme-cocher, -nouveau pour l'époque- qui a disparu à l'intérieur d'un l'hôtel avec son client, laissant tourner le compteur et facturant ainsi ses deux services à la fois.

De ses premiers sujets (esquisses et huiles), nous retiendrons son intérêt pour la représentation du mouvement, l'humour, et ses esquisses représentant des métiers et activités humaines.
Flirt. 1907. Encre de chine, lavis et crayon bleu sur papier.
31,5 x 45 cm,
Milan. coll. Arturo Schwarz
Légende. Elle : "Voulez-vous que je vous joue sur les flots bleus ? Vous verrez comme le piano rend bien l'impression qui se dégage du titre. Lui, spirituel, : ça n'a rien d'étonnant, c'est un piano ... aqueux."

Une affectation spéciale lors du service national en 1905 lui permet de travailler chez un imprimeur à Rouen où il va découvrir la typographie en imprimant les textes du recueil de gravures de son grand-père représentant les vues de la ville. Son statut d'ouvrier d'art lui permet d'échapper à la seconde année de service militaire. De son passage dans cet univers, lui vient sans doute l'intérêt pour la technique.

De retour à Paris en 1906, Marcel Duchamp vit deux ans chez son frère Jacques Villon puis s'installe à Neuilly jusqu'en 1913. En ces débuts du XXè siècle, Paris est le riche foyer d'une intense création dont l'effervescence* va influencer toute l'évolution de la peinture. Matisse et les fauves utilisent les couleurs pures s'affranchissant de la tyrannie de la fidélité de la représentation de la nature. Les cubistes privilégient la structure. Duchamp va cotoyer et s'essayer aux différents styles de son temps, cherchant sa propre voie artistique : "Entre 1906 et 1910 ou 1911, j'ai un peu flotté entre différentes idées : fauves, cubistes, revenant parfois à des choses un peu plus classiques. Un évènement important pour moi, ça a été la découverte de Matisse, en 1906, ou 1907."

Jeune homme et jeune fille dans le printemps, 1911, huile sur toile, 65,7 x 50,2 cm, Milan coll. A. Schwarz

Il a alors une vingtaine d'années, il peint, dessine, s'amuse, aime les femmes, et se forge une réputation de célibataire endurci. Au cours de cette jeunesse insouciante, il participe au prestigieux salon d'automne dont son frère Jacques Villon est membre et grace à qui il y expose dès 1908. Un an après, il présente deux tableaux au salon des indépendants, manifestation sans jury ni prix. Malgré la multitudes d'artistes et d'oeuvres en tous genres représentées (6000 tableaux en 1910), Marcel Duchamp y est remarqué sous la plume du poète et critique Guillaume Apollinaire qui évoque "les nus très vilains de Duchamp."

(à suivre)

Nous avons terminé cette première séance en étudiant plus longuement le jeune homme triste dans un train (réalisé en décembre 1911. huile sur toile marouflée sur carton. 100 x 73 cm. Venise. Collection Peggy Guggenheim). Il s'agit d'un autoportrait de Duchamp fumant une pipe debout dans le couloir d'un wagon sur le trajet entre Paris et Rouen où ses parents et sa soeur avaient emménagé en 1905 : "Il y a d'abord l'idée du mouvement du train puis celle du jeune homme triste qui est dans un couloir et se déplace ; il y avait donc deux mouvements parallèles correspondant l'un à l'autre. Ensuite, il y a la déformation du bonhomme que j'avais appelée le parallélisme élémentaire. C'était une décomposition formelle, c'est à dire en lamelles qui se suivent comme des parallèles et déforment l'objet. L'objet est complètement étendu comme élastisé. Les lignes se suivent parallèlement en changeant doucement pour former le mouvement ou la forme en question. J'ai également employé ce procédé dans le nu descendant l'escalier."

* références de l'ouvrage cité sur le Paris artistique des 30 premières années du XXè siècle :

- Bohèmes, Dan Franck, Calmann-Lévy éditeur, Paris 1998, édition originale avec photos. De Montmartre à Montparnasse, entre le Bateau-Lavoir et la Closerie des Lilas, vont se croiser sculpteurs, peintres, poètes, écrivains comme Jarry, Picasso, Apollinaire, Modigliani, Max Jacob, Aragon, Soutine, Man Ray, Braque, Matisse, Breton et d'autres encore, en des temps de bohème.

Séance du vendredi 1er décembre à Lunel

Nu descendant un escalier, n° 2, 1912

Marcel Duchamp
(1887-1968)
Nous poursuivrons l'étude de l'oeuvre inclassable de Rrose Sélavy, Richard Mutt, ... Marcel Duchamp en parcourant à la fois sa production picturale, les études pour d'importantes oeuvres à venir (Mariée, Étant donnés), les détournements (L. H. O. O. Q.), pour ensuite aborder les ready-made (déjà-faits) qu'il commença à élaborer en 1913, et les grandes oeuvres (Le Grand Verre) ainsi que sa dernière production (Étant donnés).
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- Yvonne et Magdeleine déchiquetées
, 1911, huile sur toile, 60 x 73 cm, Philadelphia Mus. of Arts,

- Moulin à café, 1911, huile sur carton, 33 x 12 cm, Rio de Janeiro, coll. Mme Robin Jones,
- Nu descendant un escalier, n° 2, 1912, huile sur toile, 146 x 89 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Le roi et la reine entourés de nus vites, 1912, huile sur toile, 114,5 x 128,5 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Mariée, 1912, huile sur toile, 89,5 x 55,25 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- La mariée mise à nu par les célibataires, 1912, crayons et lavis sur papier, 23,8 x 32,1 cm Paris, Centre Pompidou,
- Le roi et la reine traversés par des nus vites, 1912, crayon sur papier, 27,3 x 39 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Broyeuse de chocolat, n° 2, 1914, huile et fils sur toile, 65 x 54cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Neuf moules malic, 1914-15, huile, fil à plomb, feuille de plomb, verre, 66 x 101,2 cm, Milan coll. Arturo Schwarz,
- L.H.O.O.Q., 1919, crayon sur repro Joconde, 19,7 x 12,4 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Vous pour moi ?, 1922, étiquettes de valise imprimées pour Rrose Sélavy, 6 x 12 cm, Yale University,
- Disques avec spirales,1923, encre et crayon, 108,2 x 108,2 cm, Seattle, Art Museum,
- Cylindre sexe (guêpe), 1934, crayon sur papier, 31 x 27 cm, Milan collection Arturo Schwarz,
- Etant donnés, 1948-49, cuir peint sur relief en plâtre, 50 x 31 cm, Stockolm, Moderna Museet,
- Autoportrait de profil, 1958, papier de couleur déchiré sur fond noir, 14,3 x 12,5 cm, Paris, coll. J.J. Lebel,
- Quatre ready-mades, 1964, lithographie, 32 x23,2 cm, Milan collection Arturo Schwarz
- L.H.O.O.Q. rasée, 1965, carte à jouer, 8,8 x 6,2 cm, montée sur papier 21 x 13,8 cm, New York, MOMA,
- Le Bec Auer, 1968, gravure sur papier fait à la main, 50,5 x 32,5 cm, Milan coll. Arturo Schwarz.

jeudi 23 novembre 2006

Retour sur la séance du vendredi 17 novembre

Pommes et oranges (1895-1900)
huile sur toile, 74 x 93 cm
musée d'Orsay, Paris
(suite de la séance du 10 nov.)

Toute différente est l’imitation de la nature chez Cézanne.

Lorsqu'il représente des pommes, Cézanne ne se contente pas de la simple reproduction, ni de communiquer une perception immédiate (comme chez les impressionnistes, dont il fut à ses débuts). Il cherche à construire sur la toile un nouvel espace cohérent fondé sur la « géométrie de la couleur » (Hubert Damisch). A ce travail, il consacrera toute sa vie. C’est là toute sa recherche picturale.

Ses natures mortes sont construites de surfaces et de volumes intimement liés renvoyant à son célèbre propos : « traitez la nature par le cylindre, la sphère, le cône, le tout en un certain ordre assemblés ». Il en rythme la composition par juxtaposition de surfaces claires, sombres ou colorées, tantôt opposées ou complémentaires.
Nature morte à la soupière, 1877,
huile sur toile, 65 x 81,5 cm,
Paris, musée d'Orsay
Toute sa peinture s'appuie sur une construction s'écartant des règles classiques, préférant à la profondeur des diagonales, la frontalité et l'étagement des plans successifs, les premiers plans rapprochés s'inscrivant au plus près de l'espace du spectateur, dans le bas du tableau, tandis que les plans éloignés sont placés dans le haut de la toile, le procédé rappelant à la fois la peinture médiévale occidentale et la peinture chinoise. Ainsi, nous observons que dans ses natures mortes, les objets semblent flotter dans l'espace et la table verser vers le spectateur. Toute sa construction s'appuie également sur la couleur, caractérisée par les fortes oppositions (orangés, bleus) et l'agencement des tons chauds et froids, sans dilution ni modelé, les transitions s'effectuant par les verts, les ombres se colorant de violet, les complémentaires vibrant d'infimes touches de leur couleur opposée.

"Quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude"
déclare-t-il.

Là réside l'essentiel de la recherche cézannienne pour la représentation d'un nouvel espace perspectif non réaliste, qu'il a lentement et inlassablement mis au point, parvenant à l'unité et à l'équilibre géométrique de ses surfaces et élaborant les nouvelles propositions plastiques qui allaient inspirer de façon majeure la peinture moderne.

Dans le parc du château noir,
v. 1900,
huile sur toile 92 x 73 cm,
musée de l'Orangerie, Paris.


Dans une lettre à sa mère, le 26 septembre 1874, il écrit : "J'ai à travailler toujours, et non pour arriver au fini qui fait l'admiration des imbéciles".

De l'impressionnisme, sa touche a conservé la fragmentation qui lui permet au moyen d'une variété de formes d'animer ses représentations comme nous l'avons observé dans ses paysages. "J'en reviens toujours à ceci, le peintre doit se consacrer entièrement à l'étude de la nature". Renvoyant tantôt à l'architecture (oeuvrer avec obstination à l'agencement d'une multitude de touches colorées), tantôt à la sculpture (le sculpteur de peinture), le langage pictural de Cézanne fait dire à Christian Garcin, écrivain marseillais : " Cézanne n'est pas dans la ligne, mais dans la touche ; pas dans le trait, mais dans la couleur."

Progressivement, à travers sa série des montagnes Sainte-Victoire (il en aurait réalisé 87 en tout, 44 huiles et 43 aquarelles), sa peinture deviendra plus synthétique.

La montagne Sainte-Victoire vue des Lauves
1905, huile sur toile, 54 x 73 cm,
Bâle, fondation Beyeler.

Christian Garcin observe : "Comme pour les chinois, le but de Cézanne n'était pas de reproduire l'aspect extérieur des choses (qu'elles soient pomme, montagne ou personne), mais d'en saisir les lignes internes qui, elles, sont constantes, et de fixer les rapports obscurs, essentiels, qu'elles entretiennent entre elles.../.... Se mesurer sans relâche à l'immense .../... révèle quelque chose d'une nature humaine éternelle et complexe, le besoin de saisir le monde et son mystère, afin d'en instaurer une autre vision, médiatisée par son propre regard intérieur. "

Sur la construction d'une nouvelle spatialité, l'écrivain Charles Juliet (auteur de Un grand vivant : Cézanne, éd. Flohic 1977, et de Shitao et Cézanne, une même expérience spirituelle, éd. L'échoppe, 2003) analyse :

"Pour conquérir la liberté d'expression qui lui est de plus en plus nécessaire, il s'affranchit des règles et se permet toute sortes d'audaces. Il modifie la couleur des choses, élabore une toile en fonction de différents points de vue, place un pin au premier plan d'un vaste panorama, étage les plans pour organiser une présentation frontale, introduit des ruptures d'échelle, pratique des anomalies dont des béotiens concluront qu'il ne saura jamais peindre, affecté qu'il serait d'un défaut de vision.

A force d'observation, de réflexion, d'invention, il crée un espace particulier qui sera nommé plus tard par la critique "l'espace cézannien". Dans celui-ci, il désaxe ou abolit la perspective, supprime la troisième dimension, libère la couleur en fragmentant la forme.
Lestaque, effet du soir, 1871-1876
huile sur toile, 43 x 59 cm
Paris, Musée du Louvre.

Une même touche glisse du rocher à l'arbre, de l'arbre à l'air qui environne, du flan de la montagne au ciel. Tous les éléments de la composition sont reliés de la sorte, et ainsi nous est rendu le flux de la vie qui s'y propage. Quand on prend conscience de ces questions que Cézanne s'est posées sur l'apparence, la réalité, la représentation, ses moyens d'expression..., on en vient à penser que sa réflexion sur la peinture a été pour l'essentiel, le sujet de sa peinture."

Sur l'espace Cézannien, et la perspective désaxée par plusieurs points de vues sur les différents éléments du tableau, nous nous sommes arrêtés sur la nature morte au panier du musée d'Orsay.

Nature morte au panier
1888-1890
huile sur toile
65 x 81 cm
Paris musée d'Orsay.

Sa construction semble mêler plusieurs angles de vue depuis les éléments placés face au spectateur sur ce qui semble être une table bien basse (ou un banc ?), puis le panier de fruits, et dans la partie haute de la composition, la jointure du mur avec le sol de la pièce se terminant sur des pieds de chaise. Nous sommes dans l'atelier du peintre. Un pied de chevalet est visible dans la partie droite du tableau. Une palette est posée sur une table haute dans la partie gauche du tableau. Le tableau présente un désordre apparent. L'angle de vue des objets posées sur la table haute à gauche et dans le panier ne sont pas les mêmes. On parle "d'anomalies cézannienne" pour une construction à plusieurs points de vues : perspective en oblique sur le sol, disproportion des objets entre eux, vue latérale et vue plongeante. L'oeil du spectateur passe trés vite du 1er au 2eme plan (trop vite). Ce sont les obliques latérales qui font glisser notre regard vers le second plan. Redressement du plan du sol. Le panier devrait logiquement tomber par terre. La vision parait impossible, à la fois proche et éloignée.

Les distorsions de la perspective n'ont pas manqué de renvoyer certains au tableau de Van Gogh, chambre à Arles (1888, huile sur toile, 72 x 90 cm, musée Van Gogh, Amsterdam) ici reproduit pour mémoire.

Mais nous n'en avions pas encore fini avec les pommes de Cézanne au sujet desquelles il alla jusqu'à lancer : "avec une pomme, je veux étonner Paris", lui qui peignait les humains comme on peint une pomme en observant : " Dans une pomme, une boule, une tête, il y a un point culminant, et ce point, malgré le terrible effet, lumière, ombre, sensations colorantes, est toujours le plus rapproché de notre oeil. Les bords des objets fuient vers un centre placé à notre horizon. Lorsqu'on a compris ça..." Et à Ambroise Vollard, marchand d'art, qui s'était endormi et était tombé alors qu'il posait pour un portrait, Cézanne cria : "Malheureux ! Vous avez dérangé la pose ! On doit poser comme une pomme. Est-ce que ça remue une pomme ?"
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* L'ensemble du sujet sur Cézanne et les propos cités sont tirés de la biographie de Paul Cézanne publiée aux éditions folio par Bernard Fauconnier en février 2006, de celle de Michel Hoog, Cézanne, puissant et solitaire publiée chez Gallimard en 1989, de la correspondance de Paul Cézanne, réunie par John Rewald chez Grasset et du numéro hors série du magazine Télérama consacré à Cézanne en mai 2006, où on pourra également découvrir dans un article de l'écrivain et historien d'art, Pascal Bonafoux "ceci est une tête" comment Cézanne, vers 20 ans, "troqua le miroir pour la photo", et, en renonçant au miroir pour peindre une tête comme un objet à partir d'une photographie, jeta aux orties, le postulat selon lequel la peinture ne doit être qu'un miroir lisse. Ce postulat né du récit légendaire de Narcisse, est repris par Léon Battista Alberti en 1436, dans son traité Della Pittura lorsqu'il déclare : "les choses faires d'après la nature sont amendées par le jugement du miroir" et également par Léonard de Vinci : " L'esprit du peintre doit être pareil au miroir qui se transforme en la couleur des objets et s'emplit d'autant de ressemblances qu'il en a devant lui. Le miroir à superficie plane contient la vraie peinture en sa surface et la peinture parfaite exécutée sur la superficie d'une matière plane est semblable à la surface d'un miroir. " Cézanne a très tôt rejeté la notion de ressemblance et surtout "le fini qui fait l'admiration des imbéciles", selon lui.


mercredi 22 novembre 2006

Avec des pommes …


Après les vendredis 27 octobre & 3 novembre aux cours suspendus pour cause de vacances scolaires, retour sur la séance de reprise du vendredi 10 novembre.



Avec des pommes bien croquantes et réelles, nous l'avons testé, la composition ne va pas de soi (à 3, à 5, composition en triangle, détermination du point de vue et de l’angle de vision, etc). La mise en place nécessite des choix : regard, mise en scène, réflexion sur l’espace et la lumière, étude du motif et de la couleur. Ces choix d’auteur vont être liés au propos que l’on veut développer.

Quel est le propos des natures mortes ?

La nature morte (still life en anglais, = encore vivant ou toujours (still) vivant, traducteur de free = la vie immobile !). Mosaïques ou fresques romaines en trompe-l'oeil, vanités au XVIIIe siècle, lyrisme baroque, Chardin intimiste, romantisme du XIXè siècle, la tradition de la nature morte a pu prendre des formes très diverses.

On trouve sur Wikipédia, encyclopédie libre en ligne, les définitions suivantes au 22 novembre 2006 : L'expression nature morte désigne un sujet constitué d'objets inanimés (fruits, fleurs, vases, etc.) ou d'animaux morts, puis, par métonymie, une œuvre (en peinture ou en photographie, etc.) représentant une nature morte. Le terme n'apparaît qu'à la fin du XVIIe siècle. Jusque-là, seul cose naturali avait été utilisé par Vasari. En 1650, apparait aux Pays-Bas le terme stilleven, ensuite adopté par les allemands (stilleben) et par les anglais (still-life) qui se traduirait par vie silencieuse. En Espagne, l'expression pour parler des natures mortes est bodegones.

Charles Sterling, spécialiste de la nature morte, propose quant-à-lui la définition suivante de la nature morte : Une authentique nature morte nait le jour où un peintre prend la décision fondamentale de choisir comme sujet et d'organiser en une entité plastique un groupe d'objets. Qu'en fonction du temps et du milieu où il travaille, il les charge de toutes sortes d'allusions spirituelles, ne change rien à son profond dessein d'artiste : celui de nous imposer son émotion poétique devant la beauté qu'il a entrevue dans ces objets et leur assemblage » (Charles Sterling, 1952) .

La nature morte poursuit d’autres visées que celles du seul plaisir mimétique. Les objets et leur ordonnancement ont une portée symbolique et délivrent un message (Vanités liée à la morale catholique). Toutefois si les objets représentés conservent certes leur symbolique religieuse, héritée des textes bibliques, l'aspect esthétique de la peinture peut prendre une importance primordiale. La nature morte est alors l'occasion de prouver son habileté d'artiste et de répondre à la demande d'un public bourgeois qui aime à voir représenter les objets de la vie courante ou de luxe en peinture.

Les textes de Diderot consacrés à Chardin montrent que le plaisir mimétique pur, inavoué au XVIIe siècle dans les vanités, s'affirme pleinement au XVIIIe siècle et que la représentation d'objets dans la peinture occidentale reste constamment partagée entre le plaisir de la mimesis et celui de la symbolique. Cette ambivalence explique la place de la nature morte en fin du classement hiérarchique des genres et ce, dès l’antiquité, tout en considérant Zeuxis comme un peintre de génie pour être parvenu à peindre des grains de raisin qui trompent jusqu'aux oiseaux. (d'après Wikipédia pour ces deux derniers paragraphes. Pour consulter l'article complet et en savoir plus)



Jean-Baptiste Siméon Chardin (1699-1779). Trois pommes d’Api, deux châtaignes, une écuelle et un gobelet d’argent. Aussi appelée le gobelet d’argent. vers 1768. Huile sur toile. 33 x 41 cm. Musée du Louvre. Paris.

Dans sa nature morte aux pommes, Chardin affiche avec ostentation sa virtuosité à représenter la nature et les objets. Ne l’a-t-on pas appelé l’incomparable peintre des choses simples ?

Il déclarait d'aileurs lui-même : "Par l'intermédiaire de la couleur, on peut donner de l'intérêt aux choses les plus banales, on peut faire un chef-d'oeuvre avec un vase et des fruits."

Comme l’observe Françoise Barbe-Gall (op. cit. Comment regarder un tableau. Éditions EPA, Hachette Livre) : "sa peinture ne cherche pas plus à enseigner qu’à éblouir.

[La tradition de la peinture avait habitué le spectateur du XVIIIè siècle à repérer la leçon de morale sous le plus innocent des objets, à saisir l’allusion au vol, à admettre la mise en garde vertueuse derrière l’image des bienfaits de ce monde. Ainsi une pomme faisait-elle systématiquement référence au péché originel. Le rappel des fins dernières et du châtiment divin se comprenait alors de façon implicite.]

La nature morte ne constitue plus chez Chardin le rappel symbolique de la finitude et de l’éternité. Le caractère transitoire de ce monde, sa décrépitude annoncée, rien de tout cela ne sera plus agité comme un chiffon rouge devant les yeux du spectateur. C’est la nature des choses. Le temps les use paisiblement, y dépose une patine, permet quelque fêlure. C’est tout. Déliée de la transcendance comme de l’inquiétude, l’image célèbre sans tapage la vie qui continue. Chardin autorise ici la nature à parler pour elle-même. …/… Ancrés dans le quotidien, les motifs de Chardin en confirment la réalité. Sans menace métaphysique. Sans arrière-pensée."

Sur la question du plaisir esthétique, il est utile de se reporter à la lecture des notions accessibles sur Wikipédia comme art, beau, oeuvre, oeuvre d'art, esthétique, perception.

Nous avons fait référence à la Mimesis, imitation de la nature.

Voir la taille quasi-uniforme des reproductions des oeuvres projetées qui nous induit en erreur
sur leur matérialité (support, format, surface, lumière, couleurs).

Voir également Magritte lorsqu'il nous rappelle, après des siècles de figuration illusionniste, que l’image n’est pas la réalité. La représentation n’est pas l’objet représenté. La pipe représentée ne peut pas servir à y fumer du tabac.

La trahison des images, 1929,
huile sur toile, 59 x 65 cm, Los Angelès County Museum

Voir encore, Platon, le mythe de la caverne (le lien précédent conduit à un résumé, relire ce texte allégorique sur le site des virtualistes, et voir les commentaires. Lire une actualisation du thème avec Matrix, on se souvient du film dans lequel plusieurs réalités apparentes ou non se superposent).

Les apparences ne sont pas la réalité : Les images du réel ne sont qu’apparences. (renvoient aux thématiques de représentation et vérité, art et subversion de la vérité). Platon emploie la métaphore des ombres pour mettre en garde contre l’illusion de la perception, contre des images qu’un esprit insuffisamment informé peut prendre pour la réalité. Nous sommes les victimes de nos sens, de nos propres perceptions.

Les questions liées à nos perceptions conduisent aux grandes interrogations métaphysiques contemporaines sur l'espace, le temps, et surtout le réel : Qu'est ce que le réel, le réel est-il ce que nous en percevons ou y aurait-il une réalité au-delà des limites de la perception humaine ?

Voir également le thème du miroir du réel avec Narcisse, l'une des nombreuses légendes à l'origine de l'histoire de la peinture.

Sur art et illusion, voir également l'histoire de Zeuxis, peintre grec (v. 464-v. 398 av J-C), célèbre pour ses effets de profondeur à l’origine des compositions illusionnistes ou en trompe-l’œil. Zeuxis s'attache plus à rendre les formes et les volumes qu’à exprimer ses sentiments. L'anecdote est racontée par Pline l'Ancien (Histoires naturelles, Livre XXXV, IV) : Zeuxis et Parrhasios se lancent un défi pour déterminer lequel des deux peintres est le plus fidèle à la nature. Zeuxis peint des grappes de raisin avec tant de vérité que les oiseaux viennent y picorer. Parrhasios, lui, a dissimulé son œuvre derrière un rideau. Zeuxis lui demande de l’écarter pour juger. Mais le rideau était peint et Parrhasios est déclaré vainqueur.

Nous verrons lors de la prochaine séance que les recherches de Cézanne s'inscrivent dans un tout autre registre lorsqu'il peint des pommes.

dimanche 19 novembre 2006

Nouvelles ressources accessibles


De nouvelles ressources et liens permanents supplémentaires sont accessibles depuis la colonne de gauche de notre site. Certaines ressources sont en anglais, mais le langage des images reste, lui, universel.

On y trouvera plusieurs sources de données aux reproductions de qualité, une collection très complète d’œuvres d’art occidental jusqu’au milieu du XIXème siècle,
Web Gallery of Art, une collection de peinture jusqu’au 20ème siècle, WebMuseum, des liens vers les œuvres à partir des notices d’artistes sur Artcyclopedia.com, un accès à l’inventaire du catalogue général des musées de France, avec la base Joconde et ses notices le plus souvent illustrées, notamment pour les oeuvres entrées dans le domaine public, la base Atlas permettant des recherches avancées sur la collection permanente du musée du Louvre, soit près de 30 000 oeuvres, le site de l’École Normale Supérieure comprenant une page sur l’art, la base de données iconographiques de l'université de Montpellier, Utpictura18, une page ouvrant l’accès aux plus grands musées du monde, et un site aux nombreux liens vers l’art et la littérature.

L’ensemble des ressources disponibles vous permet d’accéder à une riche iconographie en préparation ou en complément des cours.

samedi 18 novembre 2006

Séance du vendredi 24 novembre à Lunel



Un grand créateur du XXè siècle

Marcel Duchamp
(Blainville 1887- Neuilly-sur-seine 1968)

Personnage radical, iconoclaste et protéiforme, provocateur, grand perturbateur ... que n'a-t-on écrit sur ce passionné d'échecs, profondément cultivé et issu d'une famille bercée par les arts, auteur d'une production déconcertante et énigmatique pour le grand public, qui trouve à New York en 1915, un milieu propice à ses audaces (milieu dans lequel il excellera dans le négoce des oeuvres de ses amis de Picasso à Brancusi) avant de connaitre une reconnaissance plus tardive en France où il semble avoir davantage marqué pour ses "ready-made" (déjà-faits) que par sa peinture irréductible à un mouvement, et comme toute son oeuvre, particulièrement complexe, hétérogène et inclassable entre cubisme, futurisme, dadaisme, surréalisme, lui, marchand du sel*, Duchamp du signe*, Rrose Sélavy, Richard Mutt, ... Marcel Duchamp dont la posture artistique singulière continue d'inspirer de façon majeure la création contemporaine.
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* Les écrits de Marcel Duchamp ont été publiés sous les titres Duchamp du signe, 1958 (Réédition disponible en format de poche chez Flammarion dans la collection Champs), et Marchand du sel, 1958 (épuisé).


Nous nous intéresserons pour cette première séance à quelques oeuvres de jeunesse, et à sa peinture :

- Paysage à Blainville, 1902, il a alors 15 ans, huile sur toile 61 x 50 cm, Milan collection Arturo Schwarz,
- Suzanne Duchamp assise, 1903, crayons de couleurs sur papier, 49,5 x 32 cm, Milan coll. Arturo Schwarz,
- Employé du gaz, 1904-05, crayons et lavis sur papier, 17,3 x 10,7 cm, Milan coll. Arturo Schwarz,
- Le Rémouleur, 1904-05, crayon et encre de chine sur papier, 21 x 13 cm, Villiers, coll. Mme Marcel Duchamp,
- Femme-cocher, 1907, encre, crayon, lavis sur papier, 31,7 x 24,5 cm, New York, coll. Mary Sisler,
- Flirt, 1907, encre de chine, lavis, crayon bleu sur papier, 31,5 x 45 cm, Milan coll. Arturo Schwarz,
- Dimanches,1909, crayon Conté, estompe sur papier, 60,3 x 48, 6 cm, New York, coll. Mary Sisler,
- Jeune homme debout, 1909-10, encre de chine sur papier, 43 x 28 cm, Dinard, coll. Babette Babou.
- Portrait du docteur Dumouchet, 1910, huile sur toile, 100 x 65 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Le Paradis, 1910-11, huile sur toile, 114,5 x 128,5 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Jeune homme et jeune fille dans le printemps, 1911, huile sur toile, 65,7 x 50,2 cm, Milan coll. A. Schwartz,
- Portrait de joueurs d'échecs, 1911, huile sur toile, 108 x 101 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Sonate, 1911, huile sur toile, 145 x 113, Philadelphia Museum of Arts,
- Dulcinée, 1911, huile sur toile, 146 x 114 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Yvonne et Magdeleine déchiquetées, 1911, huile sur toile, 60 x 73 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Jeune homme triste dans un train, 1911, huile sur toile marouflée sur carton, 100 x 73 cm, Venise, fond. P.Guggenheim,
- Moulin à café, 1911, huile sur carton, 33 x 12 cm, Rio de Janeiro, coll. Mme Robin Jones,
- Nu descendant un escalier, n° 2, 1912, huile sur toile, 146 x 89 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Le roi et la reine entourés de nus vites, 1912, huile sur toile, 114,5 x 128,5 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Mariée, 1912, huile sur toile, 89,5 x 55,25 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- La mariée mise à nu par les célibataires, 1912, crayons et lavis sur papier, 23,8 x 32,1 cm Paris, Centre Pompidou,
- Le roi et la reine traversés par des nus vites, 1912, crayon sur papier, 27,3 x 39 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Broyeuse de chocolat, n° 2, 1914, huile et fils sur toile, 65 x 54cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Neuf moules malic, 1914-15, huile, fil à plomb, feuille de plomb, verre, 66 x 101,2 cm, Milan coll. Arturo Schwarz,
- L.H.O.O.Q., 1919, crayon sur repro Joconde, 19,7 x 12,4 cm, Philadelphia Museum of Arts,
- Vous pour moi ?, 1922, étiquettes de valise imprimées pour Rrose Sélavy, 6 x 12 cm, Yale University.

Lire compte-rendu séance précédente

Annonce séance précédente

vendredi 17 novembre 2006

A lire,

sur la revue en ligne
Paris-art.com, extrait du plan d'action et de développement en faveur de l'art contemporain en suivant ce lien, et les analyses d'André Rouillé, dans son éditorial du 16 novembre 2006 (en savoir plus).

mardi 14 novembre 2006

Séance du 17 novembre 2006 à Lunel

Après avoir étudié la représentation de la nature dans les scènes de Watteau et la peinture de Constable, puis le traitement de la nature morte chez Chardin, nous verrons comment les caractéristiques de l'espace cézannien s'écartent de la facture classique par sa manière de jouer avec l'étagement des plans et l'agencement de la couleur à la fois dans ses natures mortes aux fruits et dans son traitement du paysage.

Dans le parc du château noir,

v. 1900, huile sur toile, 92 x 73 cm, musée de l'Orangerie.

Lire compte rendu de la séance précédente

lundi 13 novembre 2006

Le Frac à Lunel

Exposition : De la tête aux pieds.

A partir d'une sélection d'oeuvres actuelles issues des collections du Fonds Régional d’Art Contemporain Languedoc-Roussillon, l'exposition proposée par la Ville de Lunel met en scène la représentation du corps dans l'espace de l'expression plastique (peinture, vidéo, photographie, sculpture).

En lien avec le projet pédagogique d'une classe de l’école Victor-Hugo, l'exposition accompagne le jeune public scolaire dans la découverte de la diversité du langage des arts avec le concours de deux enseignants du Réseau d’Education Prioritaire Petite Camargue et de l’artiste Françoise Péres. L'exposition est également l'occasion pour le grand public d'
apprécier toute la richesse de l’art contemporain.

A l'Espace Louis-Feuillade/Abric jusqu’au 3 décembre 2006

Nouveau : La collection du FRAC Languedoc Roussillon en ligne, en suivant ce lien. Retour par croix "fermer", puis flèche "page précédente". Accessible également par videomuseum (voir notre colonne liens permanents) qui vous ouvre la possibilité de visionner 56 collections et recense à ce jour 20 000 artistes, 220 000 œuvres et 110 000 images, consultables dans chaque organisme fédéré.

jeudi 9 novembre 2006

Café-société

Mise à jour du vendredi 1er décembre 2006 :

Avec la participation des plasticiens de la Grande Barge à Villeneuve les Maguelonne, d'animateurs d'ateliers arts plastiques et histoire de l'art, et entourés d'oeuvres de l'exposition en cours de Medhi, une vingtaine de personnes se retrouvaient hier soir sur le port de Carnon, dans la salle d'exposition de la MJC, pour débattre autour de l'art dit contemporain, cet art actuel caractérisé par une extraordinaire diversité d'expressions, non uniquement cantonné dans les strictes limites de la peinture et de la sculpture, mais "enfant de son temps", témoignant d'un univers et traduisant les interrogations d'une époque en mobilisant une large palette de moyens depuis les pratiques picturales figuratives ou abstraites, le travail sur les volumes (sculptures et installations), la valorisation et la transmutation d'objets de récupération, l'intégration et l'hybridation des divers matériaux et techniques, jusqu'aux arts technologiques, à l'intervention et aux performances d'artistes pour une expression artistique intégrée à la vie quotidienne, non limitée à la galerie et au musée, et non uniquement "rétinienne" appelant à la contemplation, mais porteuse de questionnements sur nos sociétés, à travers l'abandon de la tradition académique, l'incursion de l'objet intégré à l'oeuvre ou faisant oeuvre lui-même et porteur de différentes problématiques.

Ont été évoqués les importants bouleversements dans les modes d'expression artistique dont sont porteuses les trente premières années du XXè siècle (art dit moderne) qui ont déplacé les repères et influencent encore la production et la diffusion des oeuvres, renforcés à la fin du siècle par le soutien à la création (FRAC), la commande publique et la place prépondérante de la critique et du marché.

Une place importante a été donnée aux artistes pour témoigner de leur engagement : la participation notament à un collectif, l'association de moyens dans le cadre de l'utilisation d'une friche industrielle par exemple, autant de choix individuels partagés, sous tendus par des principes éthiques autant qu'esthétiques privilégiant la liberté et l'indépendance de chacun tout en réunissant les conditions matérielles d'une pratique régulière et aboutie.

Les échanges avec le public présent ont permis d'interroger la place du spectateur, la présence d'animateurs a conduit également à évoquer la question de la transmision des savoirs notamment auprès du jeune public.

L'heure avancée a sonné la fin de la soirée sur des débats loin d'être clos.

Message d'origine :
_________________________________________________

Dans le cadre des café-société, la MJC annexe de Carnon organise des rencontres-débats avec des intervenants spécialisés autour de différentes questions concernant notre vie quotidienne : éducation, consommation, santé, environnement, etc. en toute convivialité, avec thé et café. L'entrée est gratuite.

Le 7 avril dernier, elle mettait en perspective consommation et environnement, et proposait une réflexion sur la nécessité de devenir Eco-consommateur, et en particulier, comment changer nos habitudes de vies et de consommation pour la préservation de l'environnement ?

Le prochain café-société aura lieu, avec la participation d'artistes plasticiens, d'observateurs, et d'acteurs locaux :

le jeudi 30 novembre 2006 à 20 h 30

à la nouvelle MJC annexe de Carnon,

(ancien office de tourisme, sur le port)

sur le thème :

Art contemporain, art si singulier ?

Si "l'art est enfant de son temps", comment trouver aujourd'hui de nouveaux repères face à la diversité des formes d'expression de l'art visuel, autant héritières de l'histoire et du musée imaginaire de chacun (avec la diffusion généralisée des reproductions qui abolit les frontières géographiques et temporelles), qu'issues de leur filiation annoncée avec les ruptures du XXè siècle à travers l'abstraction, l'art conceptuel et les installations ?

Quel regard pouvons-nous porter sur l'art actuel, non encore légitimé par l'histoire, et ses objets problématiques désignés comme œuvres ?

mardi 7 novembre 2006

Séance du 10 novembre 2006 à Lunel

Nous verrons les questions issues du thème de l'imitation de la nature, à partir d'une réflexion sur un genre, la "nature morte" et étudierons des oeuvres de Chardin.

Jean-Baptiste Siméon Chardin (1699-1779). Trois pommes d’Api, deux châtaignes, une écuelle et un gobelet d’argent. Aussi appelée le gobelet d’argent. (détail) vers 1768. Huile sur toile. 33 x 41 cm. Musée du Louvre. Paris.


vendredi 3 novembre 2006

Une brève qui en dit long

350 000 photographies des œuvres des musées nationaux utilisables par les internautes. C'est en substance l'affirmation que l’on peut lire sur le site de l'Homo Numericus après les déclarations sur France Culture du directeur de l'agence photographique de la Réunion des Musées Nationaux.

Faut-t-il y voir l'ébauche d'une décrispation ? Il est bien sûr trop tôt pour se réjouir, et nous n'avons pas fini de débattre des "droits d'auteurs et des droits voisins dans la société de l'information." (loi DADVSI)

Sur la question des droits liés à la reproduction des œuvres, il peut être utile de consulter les analyses d'André Gunthert, chercheur à l'école des hautes études en sciences sociales (EHESS), publiées sur le blog du laboratoire d'histoire visuelle contemporaine (Actualités de la recherche en histoire visuelle) :

Sur ces questions du droit de photographier et de reproduire, voir les autres contributions de Didier Rykner de La Tribune de l'Art, revue en ligne (voir nos liens), et d'autres commentaires d'André Gunthert avec le billet de Daguerre à Wikipédia (fin), Daguerre et wikipedia (suite), Daguerre et le copyleft, les études visuelles à la casse.

jeudi 2 novembre 2006

Un site pour les arts visuels

Un nouveau lien permanent est désormais disponible en colonne de gauche, le site des arts visuels de l'Académie de Montpellier.

Un site qui souhaite devenir "un espace de ressources et de mutualisation". Actuellement, il revient sur quelques expositions en cours et notamment les animations proposées par le musée Fabre en direction du jeune public et des enseignants autour de l'exposition "Venise, l'Art de la Serenissima".

Il est vrai que le parcours proposé au premier étage du pavillon du musée Fabre, tant par la hauteur d'accrochage que par les fiches pédagogiques, est particulèrement adapté au jeune public. Voir également le programme des ateliers de pratiques plastiques.

Le site comprend des liens vers différentes ressources spécialisées pour l'enseignement des arts plastiques, accompagnés de leur guide de navigation.

Quelques exemples :




Dans la barre des tâches, choisir Dossiers, puis autres dossiers. Une visite au musée : quelques conseils pour accompagner un groupe d'enfants au musée. Et également des comptes rendus de réalisations (murs peints, projet fédérateur "boutons").

Dans la barre des tâches, choisir Ressources, puis Textes officiels, les nouveaux programmes du premier degré pour l'enseignement des arts plastiques, une liste d'oeuvres de référence, et autres textes officiels notamment L'éducation artistique de la maternelle à l'Université et Plan pour l'éducation artistique et l'action culturelle à l'école.

Dans la barre des tâches, choisir Ressources, puis Sites. Vous accédez alors à une liste de sites de la rubrique Sitographie. Pour n'en citer que quelques uns : Fiches d'activités, arts plastiques à l'école primaire, pédagogie des arts plastiques, une série de fiches traitant d'un artiste, d'une pratique artistique, d'un concept ou d'une technique. A découvrir également, le site consacré à la couleur, Pourpre.com : le phénomène physique, la perception, la couleur et son vocabulaire, questions-réponses, glossaire, modèles et nuanciers, et également quelques jeux puis une sélection de liens.

Un site qui vous deviendra vite indispensable.

mercredi 1 novembre 2006

En avoir ou pas

Chronique d'une chronique

Dans la chronique son du mensuel Diapason numéro 538 publié cet été, Jean-Marie Piel, s'étonne du curieux complexe qui s'attache à l'ouïe et épargne la vue, en observant qu'affirmer "je n'ai pas d'oreille" ne surprend personne, alors que dire "je n'ai pas d'oeil" passerait vraiment pour une incongruité.

L'article évoque les complexes s'attachant à l'ouïe et la piètre opinion que tant de mélomanes ont de leur audition. Il surprend par les analogies qu'on peut y déceler avec la question de la vision, à tel point que la transposition de l'univers du mélomane à celui de l'amateur d'arts visuels parait s'imposer comme une évidence. Par imitation de cet article, l'adaptation pourrait donner le résultat suivant :

Sauf à être physiologiquement aveugle, tout le monde a de l'oeil (!), et souvent beaucoup plus qu'il ne le pense. Les preuves ne manquent pas. Nous savons si bien, dans notre univers familier, détecter la mauvaise mine de nos proches à partir d'infimes détails. L'observation d'une oeuvre ne joue guère sur des paramètres très différents ni tellement plus subtils. Mais face à l'oeuvre, dite ou estimée savante, une majorité de regardeurs, souvent faute de formation ou d'entrainement, est persuadée que sa perception pêche.

Un premier constat s'impose : il existe non pas une seule façon de voir, mais une multitude. On peut même dire qu'il en existe autant que d'individus. Les psychologues de la théorie de la forme ont démontré dès le XIXè siècle qu'il n'y avait pas de perception pure ; autrement dit que toute perception était structurée par le psychisme, par la mémoire. La vue ne peut se réduire à une caméra plus ou moins sensible, dotée de larges capteurs. Elle est sans doute un peu de celà mais reliée à un logicile ultra-sophistiqué -le psychisme humain- qui trie, ordonne, et interprète des signaux visuels. Avoir un regard, ce n'est pas seulement une affaire d'oeil ou de capteur, c'est surtout une question de mémoire et de faculté d'analyse (le logiciel auquel sont raccordés les capteurs !).

Il est intéressant de constater que la vision est à la fois une faculté innée et une faculté acquise. Innée parce qu'elle est une faculté basée sur un sens, acquise parce que cette faculté suppose le décodage de nombreuses informations à partir d'un système de référence qui se contruit tout au long de la vie.

Perception des couleurs et des formes peuvent être propres à chaque individu en fonction de caractéristiques physiologiques. La sensibilité n'est pas la même chez chaque individu, et certains seront plus sensibles aux contrastes, d'autres aux harmonies des formes et des couleurs. Toutefois, le travail et l'entrainement permettent de mieux conjuguer les différentes sensibilités, d'entrer dans une compréhension qui permet d'interpréter et de donner sens à la chose perçue. Ces sensibilités peuvent aussi réagir à d'autres registres, au rythme notamment et à la répétition. Il faudrait ajouter d'autres facettes qui composent encore à des degrés divers le champ de la vision : la perception des demi-teintes, l'appréciation des distances ou des volumes par exemple. En fonction de ses aptitudes physiologiques ou psychiques, en fonction de ses structures mentales, en fonction de son entrainement aussi, chacun privilégie plus ou moins une ou plusieurs de ces facettes de la vision. Personne ou presque n'excelle en toutes.

Source : D'après J.-M.P. Diapason n° 538, S, juillet-août 2006. (page 134). Avec toutes les excuses et la gratitude de l'emprunteur pour cette hasardeuse transposition.

A ce stade, c'est à notre méthode que cette chronique renvoie : Regarder, et se donner une chance de découvrir. Ainsi chacun doit-il d'abord et avant tout faire confiance à son propre regard. Faire confiance aussi à ses perceptions personnelles devant l'oeuvre, le registre des sensations dans lequel peut parfois nous plonger une oeuvre appartenant à chacun. Enfin, toute tentative d'interprétation suppose-t-elle un système de références : étude des contenus, recherche de sens. C'est à ce stade qu'est mobilisée la mémoire (cf. le logiciel évoqué plus haut). En guise de conclusion, soulignons que regarder n’est pas seulement une affaire de vision. C’est surtout une affaire de mémoire, de système de référence, et d’entrainement. Aussi, afin de mieux apprécier ce qui nous est donné à voir, l’idéal serait de ne jamais cesser l’entrainement.